Le développement de services et leurs usages
Le numérique a eu un fort impact sur l’écosystème de la mobilité. De nouveaux partenariats de recherche et d’expertise avec des start-up innovantes ont vu le jour et sont amenés à se développer. L’exemple des travaux menés entre l’Ifsttar et la start-up Karos (covoiturage courte distance) illustre bien ce nouveau type de collaboration.
KAROS : comprendre les usages pour optimiser une application de covoiturage intelligent
La start-up Karos développe un service de covoiturage prédictif basé sur l’utilisation de techniques de machine learning pour l’apprentissage automatique des habitudes spatio-temporelles de déplacement des conducteurs et des passagers. L’ensemble des déplacements d’un utilisateur est utilisé pour construire un modèle prédictif en vue d’estimer les trajets futurs et de proposer des opportunités de covoiturage. À partir de l'utilisation d'un ensemble de méthodologies, la démarche de recherche visait à étudier la manière dont le service proposé par Karos pouvait rencontrer les usages réels des pendulaires. Plus précisément, l'analyse des traces d’usage a été utilisée pour étudier les mises en relations effectuées, comparer les mises en relations fructueuses et infructueuses pour en déduire les facteurs de réussite. Vingt-deux entretiens approfondis ont également été menés avec des covoitureurs. Ils ont permis d'identifier les freins et leviers à l'usage. L’ensemble des résultats a été traduit en évolutions pour l'application Karos. Les résultats ont, par exemple, mis en évidence le rôle de la messagerie instantanée sur la transformation d’une simple opportunité de covoiturage en covoiturage effectif ou encore l’importance de proposer des opportunités respectant à la lettre l’itinéraire habituel utilisé par les futurs covoitureurs.
L’Institut encourage également la création de start-up par les chercheurs. Cela constitue un atout majeur avec, à la clé, la création d’emplois par transfert de technologie. À ce sujet, on peut citer l’exemple de la start-up Stanley Robotics créée par des chercheurs de l’Ifsttar en 2015. Développant des services de robot voiturier, celle-ci a recruté 32 personnes depuis 2016.
La start-up Altaroad
En 2017, le projet de route intelligente à partir des nano-capteurs brevetés NANOASPHALT (porté par Bérengère Lebental) s’est concrétisé par la création de la start-up Altaroad, désormais incubée chez AGORANOV à Paris et dotée d’une équipe de 4 experts à plein temps sur le projet. La start-up suit une approche "lean", en co-création avec ses premiers clients, qui lui permet d’optimiser à la fois sa technologie, ses algorithmes et ses méthodes de mise en œuvre pour créer un service optimal permettant, par exemple, de détecter l’empreinte ou le poids d’un véhicule spécifique, de piloter une gestion du trafic dans la ville intelligente, d’identifier les zones de l’infrastructure à entretenir ou de détecter rapidement les situations à risque : verglas, contresens, décalage de véhicule autonome.
Livraisons instantanées
La mobilité des biens est également un enjeu majeur. On notera les travaux de recherche menés à l’Ifsttar sur la logistique urbaine en lien avec le nouveau service de mobilité logistique en ville : les « livraisons instantanées ». La constitution d’une grille d’interview auprès de livreurs a été financée par le projet fédérateur mobilités et transitions numériques.
SPLOTT étudie le fonctionnement des nouveaux services de mobilité logistique en ville caractérisés par des livraisons quasi-instantanées. On peut définir ces dernières comme des services urbains de livraison à domicile en moins de deux heures après la commande, connectant au moyen d'applications de smartphones des auto-entrepreneurs à vélo, des restaurants ou des expéditeurs de colis et des consommateurs. Après une première enquête réalisée en décembre 2016, une seconde a été menée de janvier à mars 2018. Il s'agit de l'administration face à face ou par téléphone d'un questionnaire de 38 questions portant sur la situation personnelle (âge, diplôme, lieu d'habitation...), la situation de travail (type de plateforme pour laquelle le coursier travaille, durée du travail, rémunérations, etc.) et les conditions de travail et les difficultés dans l'exercice des missions. Le bureau d'études 6T a été mandaté pour assister à l'élaboration et la réalisation de l'enquête.
B+R : favoriser le rabattement à vélo vers les gares
Le numérique ne doit pas non plus faire oublier que la mobilité reste un enjeu de déplacement physique. Les modes actifs, dont le vélo en rabattement vers les gares, présentent un intérêt pour la mobilité. L’expertise de l’Ifsttar a là aussi été recherchée au travers du projet B+R portant sur le rabattement à vélo avec stationnement en gare.
Afin de désengorger les parkings relais dans les gares (P+R) et pour attirer de nouveaux voyageurs, SNCF Mobilité souhaite développer le rabattement à vélo avec stationnement en gare, qu’on désigne par « B+R » pour Bike and Ride ou Bicyclette Relais.
De nombreux programmes ont déjà été menés dans ce sens dans plusieurs régions de France, souvent avec succès. L’objectif du projet « B+R » était de s’appuyer sur les dynamiques en cours et sur les connaissances disponibles pour réaliser des outils argumentaires et méthodologiques à destination des personnes de SNCF Mobilité amenées à déployer le B+R en région.
Côté argumentaire, on sait par exemple qu’amener un voyageur régulier à passer de la voiture au vélo pour se rendre à la gare représente un gain socio-économique d’environ 2000 euros (projet Predit VERT, Ifsttar 2015), ou encore qu’un nouvel abonné TER se gagne toutes les 5 à 8 places de stationnement vélo construites (étude ADEME, 2016).
La conduite du projet « B+R » a été confiée par SNCF au cabinet de conseil Sustainable Mobilities qui a fait appel à l’expertise de l’Ifsttar pour proposer aux porteurs de projets B+R chez SNCF :
- une méthode pour aborder le B+R en interne ;
- des supports pour convaincre à leur tour les responsables concernés des régions et des collectivités locales (volets argumentaires et clés du succès) ;
- des outils pour qualifier le besoin, estimer le potentiel, prioriser les gares à l’échelle régionale et dimensionner le matériel.
Transpolis
Expérimenter en grandeur réelle des solutions innovantes pour une nouvelle mobilité urbaine : telle est l’ambition de l’équipement majeur Transpolis qui prend corps sur le terrain. Après 9 années de gestation, cette plateforme commence à se dessiner quand on prend un peu de hauteur. On distingue aujourd'hui les contours du quartier de ville appelé Système Urbain autour de sa quarantaine de bâtiments ainsi que les deux pistes et les trois zones de choc du sous-ensemble Sûreté Sécurité, et, entre les deux, les courbes et carrefours de la zone Architecture et Confort. Les bâtiments à l'entrée de la plate-forme sont sortis de terre avec le long ensemble d'accueil où l'entreprise Transpolis installera ses bureaux aux côtés d'un espace dédié à l'Ifsttar et à l'accueil des visiteurs, et la structure métallique de l'atelier où seront préparés les véhicules pour que les essais prennent forme.
Vu du ciel, il est désormais possible de comprendre que cette plateforme de 80 hectares, longue de 1200 m pour 900 m de large, permettra une approche systémique des sujets à traiter avec la possibilité pour des équipes de recherche ou de développement industriel de disposer sur un même lieu de toutes les facilités et ressources habituellement disséminées sur plusieurs sites.
On distingue un peu partout les ébauches de voiries qui serviront d'espace de travail aux chercheurs ou aux ingénieurs de start-up et autres PME pour peaufiner leurs études de cas ou mettre la dernière main au développement de leurs innovations.
Creuset d'innovations, espace de recherche sur les transports en milieu urbain, lieu de tests à l'échelle un ou encore installation de certification pour les dispositifs de retenue routiers par exemple, la plateforme des Fromentaux de Transpolis va enfin prendre sa place dans le paysage scientifique international pour répondre aux attentes de ses concepteurs et de tous ceux qui les rejoindront.
Les données comme l’innovation sont au cœur des recherches de l’axe 1. De nouvelles attentes sociales se font ressentir, soutenues par les nouvelles technologies et les nouveaux services qu’elles permettent de déployer. Cependant, elles ne doivent pas faire oublier les questions de sécurité et d’égalité sociale dont l’Ifsttar se préoccupe.